Au regard des nombreux chantiers initiés, ce 5ème Comité interministériel du handicap (CIH) était très attendu par les personnes en situation de handicap et APF France handicap.
L’association note par ailleurs la régularité de ces CIH qui sont des points d’étapes de la politique du handicap mise en œuvre par les différents ministères et tracent des perspectives.
Néanmoins, l’association déplore fortement l’absence de mesures ambitieuses pour l’effectivité des droits fondamentaux au profit d’un bilan de fin de mandat présidentiel.
Malgré certaines mesures qui vont dans le bon sens, souvent déjà annoncées (éducation, emploi, ESAT, vie affective et sexuelle…), APF France handicap déplore aussi vivement le maintien de la position du Gouvernement sur la déconjugalisation de l’AAH, même si le Premier ministre a reconnu le caractère légitime de cette demande. Et sur un certain nombre de sujets, les mesures déjà mises en oeuvre et celles à venir sont loin d'être suffisantes au regard des situations dramatiques vécues par les personnes en situation de handicap et leur famille.
L’abattement forfaitaire sur les revenus du conjoint du bénéficiaire de l’AAH : une non réponse à la demande de déconjugalisation
Ce CIH a acté le fait que dès le 1er janvier 2022 la mesure d’abattement pour l’AAH rentrerait en vigueur et ce, malgré un mouvement pour l’individualisation de l’AAH porté par les personnes concernées, les associations, une grande partie de la représentation nationale et la société civile.
APF France handicap rappelle que l’amendement proposé par le Gouvernement ne répond pas du tout à la forte attente exprimée par les personnes en situation de handicap.
Il porte une atteinte grave aux droits fondamentaux (article 28 de la CIDPH). Les personnes en situation de handicap vivant en couple ne peuvent pas vivre toute leur vie en totale dépendance financière à l’égard leur conjoint/conjointe, concubin/concubine ou pacsé.
La prestation de compensation du handicap (PCH) : un droit qui doit être renforcé
Aujourd’hui, trop de personnes sont encore exclues de cette prestation, notamment du fait de critères d’éligibilité trop restrictifs et encore inadaptés.
De même, le périmètre des besoins qui sont pris en compte au titre de la PCH restent encore trop limités et dissuadent fortement les personnes d’opter pour cette prestation.
APF France handicap rappelle que la compensation des conséquences du handicap est un droit fondamental et demande que le chantier actuel initié par le Gouvernement soit poursuivi en concertation avec toutes les associations représentatives des personnes en situation de handicap directement concernées afin d’identifier toutes les situations d’exclusions à la PCH.
Une PCH parentalité encore loin d’être opérationnelle et adaptée aux besoins des parents en situation de handicap
Mise en application en début d’année sous une forme forfaitisée, forfaitisation qu’APF France handicap refuse, la PCH parentalité ne bénéficie aujourd’hui qu’à très peu de parents en situation de handicap. C’est le résultat de l’enquête menée actuellement par l’association tant auprès des personnes directement concernées qu’auprès des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Un résultat dû à des raisons administratives (éligibilité à la prestation restreinte notamment) et à des raisons techniques : le dispositif forfaitaire semble être une contrainte supplémentaire, selon les MDPH. Très peu de MDPH et de départements ont ainsi pu procéder au versement de la prestation à ce jour.
Cette enquête pointe également les lacunes de la modalité forfaitaire au regard des besoins des parents en situation de handicap, les limites des dispositions restrictives liées au nombre d’enfants dans la fratrie ou encore la limite des 7 ans de l’enfant.
Une nouvelle fois, APF France handicap demande le retour au principe d’une PCH parentalité individualisée, dans l’esprit de la loi de 2005 comme le Gouvernement actuel l’avait d’ailleurs annoncé à de nombreuses reprises pour 2022. APF France handicap demande également la levée des contraintes du décret relatives à l’obligation d’éligibilité à la PCH aide humaine et celles relatives aux 7 ans de l’enfant et à un seul enfant pris en compte quel que soit le nombre d’enfants dans la fratrie.
Vers une pleine reconnaissance de la vie sexuelle et affective
APF France handicap souligne que le sujet est désormais pris en compte par les politiques publiques et salue notamment le déploiement de centres ressources à la vie intime, affective et sexuelle dans toutes les régions. L’association renouvelle sa demande d’autoriser la création de services d’accompagnement à la vie sexuelle en France et attend sur ce sujet les conclusions des travaux du Comité Consultatif national d’éthique.
Des mesures liées à l’emploi à concrétiser
Hormis des mesures de soutien déjà adoptées dans le cadre du plan de relance Covid-19, APF France handicap tient à saluer deux nouveaux éléments :
- La mise en œuvre d’un plan d’action ESAT renforçant les droits des usagers, fluidifiant les parcours entre milieu protégé et milieu ordinaire et soutenant la modernisation des ESAT.
- La prorogation des expérimentations dans les entreprises adaptées pour leur laisser le temps de produire leur pleine effectivité.
En revanche, toutes les modalités ne sont pas aussi concrètes : celles liées au rapprochement de Pôle emploi et du réseau des Cap Emploi restent assez peu lisibles à ce jour, avec un calendrier de finalisation annoncé au printemps 2022. Elles ne prévoient pas du tout d’associer dans la concertation les bénéficiaires et les associations représentatives.
L’association souhaite dès maintenant une évaluation du rapprochement de ces deux réseaux, évaluation qui doit associer les bénéficiaires directement concernés et les associations représentant les personnes en situation de handicap.
Des mesures en faveur de l’habitat inclusif qui ouvrent de nouvelles perspectives en matière d’inclusion des personnes en situation de handicap
La montée en puissance de l’aide à la vie partagée (AVP), personnalisée et durable dans le temps, est une bonne nouvelle et ouvre la voie à une évolution ambitieuse de l’offre de service, basée sur un cadre de vie choisi, partagé, inclusif. La finalisation de la construction de ce dispositif ne doit toutefois pas être confisquée : la co-construction avec les personnes comme avec les associations est indispensable au risque de laisser de côté des besoins mal identifiés ou non exprimés.
L’accessibilité, un enjeu de société largement ignoré
L’accessibilité est un droit fondamental et un sociétal : le CIH n’en a pas pris la pleine mesure. En effet, l’accessibilité et la conception universelles sont des conditions sine qua non de l’effectivité des droits pour une société inclusive et durable.
APF France handicap rappelle une nouvelle fois le retard considérable pris en matière d’accessibilité du cadre bâti et des transports et demande une concrétisation des engagements pris à l’approche de l’échéance du dispositif 2024 des Ad’AP (Agendas d’Accessibilité Programmée).
APF France handicap prend donc acte du bilan présenté ce jour et tient à rappeler que lors de son allocution à la Conférence nationale du handicap le 11 février 2020, Emmanuel Macron avait fixé des objectifs autrement plus ambitieux :
« Permettre à chacune et chacun de vivre une vie digne, une vie libre » ;
« Continuer à aller sur le chemin de l'allocation digne pour toutes les personnes en situation de handicap » ;
« L’ouverture des nouveaux droits pour les personnes en situation de handicap : le droit de se marier, de se pacser, de divorcer ».
APF France handicap prend au mot le président de la République et organise une journée de mobilisation nationale le 16 septembre prochain pour demander la déconjugalisation de l’AAH avec des rassemblements dans toute la France. Elle appelle la société civile à rejoindre cette mobilisation
APF France handicap sera également attentive aux conclusions du Comité des droits de l’ONU qui examinera du 18 au 23 août 2021 la politique du handicap de la France dans le cadre du suivi de la mise en œuvre de la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées.
Elle rappelle également la réclamation collective portée par un collectif d’associations dont APF France handicap qui sera examinée cet automne par le Conseil de l’Europe.
À l’approche de l’élection présidentielle, la voix des millions de personnes en situation de handicap et de leurs proches doit être clairement entendue.