"Mon quotidien avec l’épilepsie" par Malorie. (30/09/2019)

Malorie et Jacques à la délégation APF France handicap de Paris

Malorie, volontaire en service civique à APF France handicap depuis octobre 2018.

Mon année au sein du Territoire Grand Paris m’a apporté beaucoup de choses sur le plan professionnel, mais également personnel.

Durant ce service civique, j’ai souhaité partager avec le
plus grand nombre mon quotidien avec l’épilepsie, une maladie encore très mal connue et dont je suis atteinte.

Pour cela, j’ai sollicité le docteur Jacques GONZALES, professeur aujourd’hui à la retraite dont le soutien, l’aide et surtout la grande expérience professionnelle ont été primordiaux pour réaliser ce projet.

Tout d’un coup devant vous une personne pousse un cri, perd connaissance et tombe brutalement. Elle se contorsionne par terre puis elle ne bouge plus ; elle est dans le coma avec au coin de la bouche un peu de salive sanglante. Quelques minutes plus tard, elle se réveille. Vous lui demandez ce qui lui est arrivé : elle ne se souvient de rien. C’est la crise d’épilepsie telle que l’imagine le public, « le grand mal ».

Les épilepsies concernent 600 000 français dont la moitié d’enfants. Mais ces manifestations si spectaculaires ne représentent qu’une forme d’épilepsie. « Il faut parler des épilepsies au pluriel » et retenir qu’après les migraines, elles constituent la maladie neurologique la plus fréquente. C’est une maladie très complexe qui fait l’objet de nombreuses recherches mais il est important que le public connaisse quelques éléments de cette complexité pour mieux comprendre ces malades, pourquoi cette maladie est si handicapante et pourtant non reconnue comme un handicap.

La crise d’épilepsie provient d’une hyperexcitation d’un groupe de neurones présents dans la partie périphérique du cerveau, sous le crâne, le cortex cérébral. L’activité électrique de ces neurones peut tout d’un coup devenir débordante et synchronisée. Si l’ensemble du cortex cérébral est concerné, la crise d’épilepsie est généralisée (« le grand mal ») mais si l’anomalie est limitée à une zone du cerveau, l’épilepsie est partielle et les signes de la crise dépendent alors du siège sur le cortex. Les facultés cérébrales sont en effet si diverses que les crises peuvent prendre des formes multiples et être très brèves de sorte que le diagnostic est parfois très difficile. C’est le cas lorsqu’elles se limitent à des hallucinations auditives, visuelles, à des sensations de déjà vu, déjà vécu, une odeur désagréable… quand elles ne consistent qu’à une absence de quelques secondes ; c’est l’entourage qui peut remarquer cette anomalie car le malade après cette sorte d’intermède reprend son activité normalement sans s’être aperçu de rien bien souvent.

Découvrir qu’une personne épileptique peut constituer une vraie difficulté que les neurologues reconnaissent en ayant recours surtout à l’électroencéphalogramme, en sachant aussi que des éclairs de lumière à répétition (stimulation lumineuse intermittente) peuvent mettre en évidence des signes électriques d’épilepsie et même déclencher de vraies crises au cours de l’examen.

Que faire alors pour le malade ?

Il existe des médicaments antiépileptiques. Pour être efficace, le traitement doit être strictement continu, pris vraiment chaque jour sans un manque. Dans les cas favorables, la fréquence des crises baisse considérablement voire même le malade peut se sentir guéri. Pourtant ce résultat nécessite de bien poursuivre le traitement et de l’associer à une bonne hygiène de vie : l’alcool, le manque de sommeil favorisent la survenue de crises. Ces astreintes peuvent donc aller à l’encontre du bonheur de vivre.

C’est une des raisons pour lesquelles des épileptiques connaissent de vrais états dépressifs. Il en est une autre : la moitié d’entre eux souffrent de crises malgré leur traitement. Les médicaments sont en effet inefficaces dans bien des cas. Heureusement le traitement de l’épilepsie s’est enrichi d’armes nouvelles comme la chirurgie dans les formes rebelles aux traitements médicamenteux. Ces situations d’échecs thérapeutiques aggravent le stress de patients qui, par ailleurs, doivent vivre avec une inconnue : quand surviendra LA prochaine crise ?

Leur caractère soudain constitue une incertitude peu supportable et bien éprouvante pour chaque épileptique : une perte de connaissance peut être source d’accidents graves et même mortels dans certains cas. Certaines crises peuvent provoquer une sérieuse morsure de la langue, une perte des urines qui atteint l’estime de soi. Nous en arrivons ainsi au caractère handicapant de cette maladie pour le malade. Comment être rassuré au quotidien ? Conduire, nager, monter sur une chaise, attendre un train sur un quai de gare… tout devient risqué. Comment se comporter vis-à-vis de l’entourage, et vis-à-vis de tiers ? Et il n’y a pas que la vie quotidienne qui est source d’insécurité. L’insertion dans la vie professionnelle constitue une épreuve particulièrement préoccupante vis-à-vis de l’employeur. Une grossesse pour une femme épileptique n’est pas non plus sans danger comme on le sait : la prise de Dépakine, un antiépileptique très largement utilisé, est tenu pour responsable de la survenue de malformations fœtales.

Rappelons que la moitié des épileptiques sont des enfants : comment leur assurer l’avenir ? Informer la société doit servir à l’inclusion de tout épileptique.

Connaître l’épilepsie est donc essentiel pour le grand public, parents, éducateurs, employeurs… pour d’abord mieux apprécier la qualité de vie de ces malades, pour encourager la recherche qui doit parvenir à découvrir les mystères de cette maladie. Car comment devient-on épileptique ?

On sait que des lésions cérébrales consécutives à un AVC, à une tumeur, à un traumatisme crânien, à une localisation de sclérose en plaques, peuvent donner naissance à un « foyer épileptogène ».

On sait aussi que cette pathologie se retrouve avec une fréquence anormalement élevée dans certaines familles ce qui a permis d’en affirmer l’origine parfois génétique. Il reste encore de nombreux malades pour lesquelles la cause de leur épilepsie reste inconnue. Et une hypothèse grandit chez les spécialistes : le cerveau ne serait-il pas normalement en état latent de connaître de telles crises et celles-ci ne surviendraient que chez les gens qui ont un seuil de blocage insuffisant pour ce passage ? L’épilepsie serait un symptôme finalement possiblement courant. D’ailleurs les bébés peuvent être victimes de convulsions s’ils sont fébriles, de même les adultes en état d’hypoglycémie quelle qu’en soit la cause (excès d’alcool, diabétique sous insuline aux doses mal équilibrées). Certains chercheurs incriminent non pas les neurones mais d’autres types de cellules présentes dans le cerveau. D’autres encore cherchent à identifier des gènes de prédisposition. Les techniques nouvelles d’imagerie couplées aux mathématiques visent à mieux localiser les foyers épileptogènes afin de trouver une solution à terme pour supprimer les crises, anéantir les risques de récidives.

L’épilepsie soulève par conséquent une vaste série de questions à se poser sans tabou. Et il y aurait lieu de la considérer comme un handicap.

12:31 | Tags : épilepsie, témoignage | Lien permanent | Commentaires (0)