Conseil des ministres du 27 février 2018 Handicap : des politiques publiques en deçà des droits fondamentaux ! (05/03/2019)

Lors du dernier conseil des ministres, Sophie Cluzel, Secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées, a présenté une communication portant sur la politique en faveur des personnes en situation de handicap.

Si APF France handicap salue cette mise en avant du sujet « handicap » en conseil des ministres, l’association dénonce toutefois un trop grand décalage entre les actions engagées par le gouvernement et les attentes prioritaires des 12 millions de personnes en situation de handicap et de leur famille.
Approche partagée par la Rapporteuse spéciale sur les droits des personnes handicapées de l’ONU, Catalina Devandas-Aguilar, qui a effectué une visite en France du 3 au 13 octobre 2017 et qui vient de rendre public son rapport.

Même si des avancées ont eu lieu (simplification de l’accès à certains droits, droit de vote pour les personnes majeures sous tutelle, obligation d’ascenseur dans les immeubles neufs à partir de trois étages…), trop de sujets primordiaux sont encore mis de côté et les droits fondamentaux sont toujours bafoués !

UNE PROTECTION SOCIALE FRAGMENTEE
Les ressources : deux millions de personnes en situation de handicap vivent sous le seuil de pauvreté !
En dépit de l’augmentation de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) à 900 euros mensuels à la fin de cette année, le montant restera en dessous du seuil de pauvreté.
Pire, certains bénéficiaires de l’AAH ne bénéficieront pas réellement de cette revalorisation, notamment ceux vivant en couple (abaissement du plafond des ressources qui neutralise totalement ou partiellement l’augmentation).
A noter aussi la suppression du complément de ressources (179 € par mois) pour les nouveaux bénéficiaires de l’AAH depuis le 1er janvier 2019.
Enfin, le gouvernement et sa majorité rejettent actuellement les propositions parlementaires pour supprimer la prise en compte des ressources du conjoint dans la base de calcul de l’allocation aux adultes handicapés.
Parallèlement, les titulaires de pensions d’invalidité sont pénalisés par une revalorisation inférieure à l’inflation en 2019, alors que certains d’entre eux bénéficient de pensions très faibles, très en dessous du seuil de pauvreté.

La compensation : une prestation individuelle en pointillé et des restes à charges inadmissibles !
La prestation de compensation du handicap (PCH) censée financer les aides à l’autonomie demeure largement insuffisante pour couvrir les dépenses réelles, générant ainsi des restes à charge toujours trop importants.
De plus, les plans d’aide proposés par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) sont très souvent en deçà des besoins et/ou revus le plus souvent à la baisse. En outre, la PCH ne couvre pas, notamment, les activités domestiques et les activités pour l’exercice de la parentalité.
Dans le cadre de la concertation Grand Age et autonomie et des travaux engagés pour la Conférence nationale du handicap, APF France handicap milite activement pour une véritable réforme de l’autonomie, quel que soit l’âge, dans la perspective de la création d’un nouveau risque social avec des financements de solidarité nationale et des droits accrus pour les personnes (couverture et financement intégral de tous les besoins d’aide).

Santé : un accès aux soins difficiles
Dans un contexte de réforme de l’organisation du système de santé, en discussion au Parlement, APF France handicap dénonce qu’aucun axe stratégique pour les personnes en situation de handicap n’y soit développé. Une occasion manquée alors même que les personnes en situation de handicap ont un recours moindre aux soins pour des besoins pourtant supérieurs au regard de la population générale selon l’enquête 2015 de la DREES. Elles sont frappées de plein fouet par les inégalités sociales et territoriales en santé.

DES DISCRIMINATIONS QUI PERDURENT
L’accessibilité : des retards et des lacunes incessants !
En 2014, le gouvernement lançait les Ad’AP (agendas d’accessibilité programmée). Les dérogations contenues dans le texte de l’Ordonnance finalement adopté sont si nombreuses qu’elles remettent littéralement en cause les principes fondamentaux de l’accessibilité !
Dans le cadre de ce dispositif des Ad’AP, une première phase de mise en accessibilité pour les services et les commerces de proximités s’est terminée fin septembre 2018. A ce jour, aucun bilan n’a été communiqué par le gouvernement et que les sanctions prévues tardent à se mettre en œuvre. Parallèlement, APF France handicap s’insurge contre l’adoption de la loi ELAN et notamment son article 64 qui prévoit de passer de 100 % de logements neufs accessibles à seulement 20 % ! L’obligation d’ascenseurs pour les immeubles de plus de trois étages ne compensera aucunement la diminution du stock de logements accessibles, alors que la population vieillit.

L’éducation : une école encore loin d’être inclusive !
Si l’école accueille de plus en plus d’enfants en situation de handicap (340 000 élèves en situation de handicap sont scolarisés en milieu ordinaire), leurs conditions de scolarisation restent encore trop souvent en deçà des ambitions affichées. Les enjeux majeurs pour une école inclusive ne sont pas suffisamment pris en compte, notamment la formation initiale et continue des enseignants en matière d’aménagements et adaptations pédagogiques et la mise en place d’enseignants spécialisés ressources à disposition de tous les enseignants. APF France handicap s’inquiète aussi du déploiement des Pôles Inclusifs d'Accompagnement Localisés (PIAL) sans qu’aucune évaluation de l’expérimentation n’ait été réalisée. En faire de simples outils de gestion des accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH), au risque de plus être dans la réponse aux besoins des élèves en situation de handicap, serait passer à côté de l’opportunité de mettre en place des lieux ressources intégrant l’expertise du secteur médico-social.

L’emploi : le chômage des personnes en situation de handicap toujours en augmentation !
En 2018, près de 514 000 personnes en situation de handicap étaient privées d’emploi soit une progression de 3,5 % en un an !
APF France handicap s’alarme de ces chiffres. Elle attend de réelles avancées des mesures relatives à l’évolution de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH) ainsi que de l’offre de service d’accompagnement des personnes vers et dans l’emploi. Elles doivent répondre aux enjeux sociaux de l’emploi des personnes en situation de handicap.
APF France handicap s’étonne que l’accord historique "Cap vers l’entreprise inclusive 2018-2022" signé en juillet dernier entre le gouvernement et le monde associatif n’ait pas été cité dans la communication de la Ministre. Or, cet accord vise à l’emploi de 40 000 personnes d’ici 2022 dans le secteur des entreprises adaptées en diversifiant les modalités d’emploi dans ce secteur.
APF France handicap est par ailleurs très inquiète sur l’avenir de ce secteur des entreprises adaptées, mais aussi de celui du secteur protégé (ESAT), dans le cadre de la réforme de l’OETH, avec un risque de moindre attractivité des entreprises à faire appel à la sous-traitance de ce secteur.

Le Président de la République a décidé de faire du handicap la priorité de ce quinquennat.

APF France handicap attend de son gouvernement des propositions et un calendrier politique qui soient à la hauteur des attentes prioritaires des personnes en situation de handicap et de leur famille et que leurs droits fondamentaux soient respectés.

Partie prenante du Grand débat national en encourageant les personnes en situation de handicap à y participer et en développant sa plate-forme de consultation, APF France handicap sera vigilante aux conclusions qui seront tirées de cette mobilisation citoyenne et aux décisions politiques qui seront présentées dans le cadre de la Conférence nationale du handicap en juin prochain.

Elle demande de prendre en compte les conclusions et recommandations de la Rapporteuse de l’ONU qui met notamment en avant : « Bien que la France alloue des ressources financières et humaines considérables aux services aux personnes handicapées, les mesures qui sont prises actuellement pour répondre aux besoins de ces personnes sont extrêmement spécialisées et cloisonnées. En effet, l’accent est mis sur la prise en charge de l’incapacité, alors que les efforts devraient converger vers une transformation de la société et du cadre de vie, de sorte que toutes les personnes handicapées bénéficient de services accessibles et inclusifs et d’un soutien de proximité ».

#DePleinDroit Pour le respect et l’effectivité des libertés et des droits fondamentaux

10:26 | Tags : conseil des ministres, politique | Lien permanent | Commentaires (0)